jeudi 5 mars 2015

Au service de la communauté (bis)

Lutteur de profession, Ambros Arnold entraînait les juniors
quand il s’est retrouvé élu à l’exécutif de son village, contre sa volonté.
Alors que je faisais des recherches pour mon billet précédent, je suis tombée sur deux articles qui m'ont paru bien enrichir mon propos et, peut-être, apporter une ouverture à l'épineux problème des élus qui n'ont pas le temps de suivre leurs dossiers.

Explorons déjà la complexité de la tâche d'élu : " Il ne s’intéressait pas à la politique et n’avait pas mis les pieds à l’administration communale depuis des années. Lutteur de profession, Ambros Arnold entraînait les juniors quand un jour d’automne 2012, il s’est retrouvé élu à l’exécutif de son village, contre sa volonté. " Le vice-président se retirait pour des questions de santé et il avait dressé lui-même une liste de candidats pour le remplacer. J’en faisais partie. Je lui ai dit que le poste ne m’intéressait pas et que je n’avais pas le temps. Mais les autres personnes sélectionnées n’avaient pas non plus envie et le jour de l’assemblée communale, j’ai été élu." Le sportif à la carrure solide raconte sa victoire électorale – une mauvaise surprise qu’il n’a pu éviter – d’un ton affligé. En vertu de l’obligation de servir (Amtszwang) inscrite dans la Constitution d’Uri, aucun citoyen ne peut refuser la fonction de conseiller municipal." Sandrine Hochstrasse, Au secours, je suis élu maire !
Unterschächen, commune alpine de 700 âmes
dans une vallée uranaise, n’est pas une exception.
Et dire qu'il y a des gens qui sont prêts à dépenser de millions pour se faire élire...  Mais ça, c'est ailleurs. En Suisse, les localités rurales manquent cruellement de citoyens prêts à endosser ces fonctions publiques, rappelle une étude parue en janvier. Et pas seulement à Uri. D'autres cantons, d'autres communes souffrent d’un manque de vocations. Si les candidats désignés au conseil municipal ou scolaire ne sont pas rares, certains le vivent très mal. Une élue, Johanna Tschumi, a dû fuir sa commune de Bauen (UR) en 2009. La villageoise raconte : " Un matin, j’ai appris que j’avais été élue à l’exécutif de la commune lors de l’assemblée de la veille. Je n’avais même pas été avertie !  J’ai contesté mon élection avec un certificat médical, mais la municipalité n’a pas traité ma requête. " Craignant l’amende infligée aux réfractaires – plusieurs milliers de francs par année – Johanna Tschumi a décidé de fuir sa commune et de louer une chambre dans le village voisin.

Comment refuser de devenir maire d'un si joli village ? (Bauen)
Et les indemnités? Pourrait-on les augmenter pour accroître les vocations? Le lutteur Ambros Arnold secoue la tête. A l’heure actuelle, les membres reçoivent 30 francs par réunion du conseil, qu’ils mettent de côté pour faire une excursion à la fin de l’année. " Il faudrait une forte hausse – que cela devienne un salaire – pour faire une différence. Si vous recevez 1000 francs de plus par année, cela ne changera rien. " L’Uranais semble résigné à remplir son rôle de maire pour le bien-être de son village.


Tournons-nous vers les Grisons (Sandrine Hochstrasse, Retraités, dirigez nos communes !) Les villages se vident, le tourisme péclote… et personne ne veut devenir le maire de Tujetsch et de ses 1400 âmes. Désespérée, la municipalité a écrit à tous ses vacanciers, locataires ou propriétaires de résidences secondaires. Et éveillé l’intérêt d’un de ces hôtes, un homme d’affaires qui habite dans un paradis fruitier et fiscal au bord du lac de Zoug. Un ancien directeur à quelques semaines de la retraite et se cherchant une nouvelle activité, un nouveau défi. Quoi de mieux qu’une commune à l’agonie pour occuper ses journées? Et tant pis s’il ne parle pas un mot de romanche, la langue officielle de Tujetsch. Apprendre un nouvel idiome, c’est aussi un joli défi de retraité.

La municipalité de Tujetsch, une petite commune perdue
à l’ouest des Grisons, au fond de la vallée
de Surselva. Avec 10 habitants au km2.

Alors faut-il forcer des habitants à devenir maire ? Rendre obligatoire le service citoyen ? Fusionner les communes pour réduire le nombre de postes, comme le recommande le Conseil fédéral ? Ou défiscaliser les indemnités des maires ? Accepter d'avoir des élus naïfs et incompétents comme dans ma ville...  Et c’est ainsi que l’on revient à notre retraité zougois, avec bienveillance. " Il paraît qu’il est super-motivé et qu’il a plein d’idées pour redynamiser la région." 

Imaginons alors nos 2500 communes de Suisse, aux mains de seniors, jeunes retraités pleins d’énergie, mais délaissés à tort sur le marché du travail. Des gens qui ont des idées, le temps et les compétences de les mettre en place. Des personnes qui se mettraient au service de leur communauté et qui ne penseraient pas déjà à leur ré élection. Ça fait rêver...

Eh bien dansez maintenant...

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